dimanche 24 juillet 2011

Un bon boss

Exilé en Amérique, sans famille, sans argent, sans ressources, sans logement, sans papiers, sans existence légale, pourchassé par la police, forcé de trouver refuge dans un taudis, traité comme un esclave par ses occupants – une crapule, une diva insupportable et un ivrogne pleurnichard –, Karl Rossmann s’endort en rêvant du jour où il aura enfin une situation (ou, comme dirait l’autre, une job steady pis un bon boss), en se promettant bien de devenir un employé modèle.


Cette case est la toute dernière du chapitre VII, commencé il y a presque deux ans. Il était temps. Plus que deux chapitres à dessiner, pas aussi longs heureusement.

lundi 18 juillet 2011

Conversation

– Euh ... Bonsoir.

– Bonsoir.

– Vous étudiez ?

– Oui, c’est ça, j’étudie.

– Excusez-moi, je ne voudrais pas vous déranger ...

– C’est déjà fait. Aussi bien prendre ma pause maintenant.

Qu’avez-vous à la tête ? Vous êtes blessé ?

– Ça ?

(Tiens ? C'était seulement de l'eau ... Sans doute Robinson qui m'a fait ce bandage ...)

Oh ! Ce n’est qu’une petite bosse. Je ... je me suis un peu
disputé tout à l’heure ...

– Ah ! C’était donc ça, le vacarme que j’ai entendu ce soir.
Qu’est-ce qui s’est passé ?

Vous pouvez parler sans crainte. Ces gens-là ne sont pas
précisément de mes amis ...

– Eh bien, ils veulent me forcer à être leur domestique.
Moi, je ne voulais pas, j’ai voulu partir, Delamarche a
voulu m’en empêcher et nous en sommes venus aux
coups.

– Mais pourquoi voulez-vous partir ? Vous avez un autre
emploi ailleurs ?

– Non, mais il n’est pas question que je reste ici. Je connais
ce Delamarche, c’est un vrai bandit.

– Et puis après ? On n’a pas toujours le choix de son
employeur ...

Moi-même, je travaille de jour comme commis dans un
grand magasin. Le patron est une fripouille et, de plus, je
suis très mal payé. Mais ça n’empêche pas que je peux
me compter chanceux d’avoir cette place.

– Vous travaillez le jour et vous étudiez la nuit ? Mais
quand trouvez-vous le temps de dormir ?

– Je dormirai quand j’aurai fini mes études. En attendant, je
bois du café noir, ça me permet de tenir le coup. Une
vraie bénédiction.Vous en voulez ?

– Non merci, je n’aime pas le café noir.

– Moi non plus.

– ?

Et les études, ça avance ?

– Très lentement. Si tout va bien, j’aurai mon diplôme l’an
prochain. Ou dans deux ans ... Peut-être trois.

– Moi, j’ai étudié un peu la correspondance commerciale.
Mais avant, en Europe, je voulais suivre des cours pour
devenir ingénieur.

– Oubliez ça. Les études sont une perte de temps. Ça ne
vous mènera nulle part.

Si j’avais à choisir entre l’Université et mon emploi chez
Montly’s, je n’hésiterais pas une seconde.

– Mais alors ?! Pourquoi vous entêter à poursuivre vos
cours ?
– J’ai commencé, je continue. C’est comme ça.

– J’avoue avoir de la difficulté à comprendre ce
raisonnement ...

– Vous avez vu ce Lobter, le candidat au poste de juge de
district ? Je le connais, c’est un homme intègre et
compétent, tout à fait qualifié pour cette fonction. Il
mène une campagne solide, dans laquelle il a investi une
fortune. Et pourtant ...

Il va tout droit vers une défaite retentissante. Tout le
monde le sait, lui y compris. Mais il continue. C’est
comme ça.

Alors, vous croyez que je ferais mieux de rester ici comme domestique ?

Absolument.

Bon, maintenant, si vous permettez, j’aimerais me remettre au travail.

Je ne vous dérange pas plus longtemps. Bonne nuit.

Bonne nuit.

Voilà. Ce n’est plus tout à fait du Kafka, mais il en subsiste tout de même une trace. Reste à voir ce que ça donne en images. Je réserve ça pour l’album.

jeudi 7 juillet 2011

Un Monstre

Paralysé par le trac, j’ai hésité plusieurs semaines avant de me décider à attaquer l’encrage de la page 120. Comme si je m’apprêtais à grimper l’Everest à bicyclette. Ça peut sembler facile, mais ça ne l’est pas pour moi. Certaines pages peuvent paraître plus compliquées par la surabondance de détails, mais elles ne m’ont pas donné autant de mal que celle-ci. Il s’agit d’une scène nocturne, censée se dérouler dans le noir quasi-total, toute en clair-obscur (plus obscur que clair, en fait). Mais il faut tout de même qu’on voie quelque chose. Le clair-obscur, étant à l’opposé de mon approche ligne claire habituelle, n’est pas exactement ma tasse de thé. Le problème est de déterminer quels détails doivent être noyés dans le noir et quels détails doivent être conservés. De plus, ce genre d’encrage me demande un temps fou et il me semble que j’ai de moins en moins de patience pour ça. Je vais peut-être me décider un jour à troquer encre de Chine et pinceau pour une Cintiq, mais ce n’est pas pour demain.

J’ai finalement surmonté ma peur du noir et vaincu la Bête. Il ne reste qu’à appliquer les tons de gris, mais c’est un détail. Le résultat n’est pas si mal, tout compte fait, avec un petit côté Charles Burns qui ne me déplaît pas. Même si je sais que je ne serai jamais Charles Burns.


vendredi 1 juillet 2011

Premier Juillet


De retour sur l’album et sur le blog après une longue absence : quatre semaines de voyage en Europe, un festival, deux expositions, sans compter le temps consacré à préparer tout ça. Pas un seul dessin, à l’exception de quelques dédicaces. Les dédicaces, c’est sympathique, mais ça ne compte pas vraiment.

Je dois dire que je suis plutôt rouillé. J’aimerais avoir la facilité de certains qui dessinent comme ils respirent, mais ce n’est pas le cas. Alors, pour m’y remettre peu à peu, j’ai commencé par mettre la touche finale – à savoir les tons de gris – à des pages dessinées depuis un bout de temps. C’est un travail plutôt mécanique, qui ne demande pas de se sentir génial ou super-inspiré. Il faut bien commencer quelque part.

Du coup (comme disent les Français), j’ai terminé une case qui m’avait donné du film à retordre dès sa conception (voir sur ce blog : «Qu’est-ce qui ne va pas dans ce dessin ?», octobre 2010). Ça tombe bien : il s’agit d’une scène de déménagement, on est aujourd’hui le 1er juillet, justement, et j’ai passé la journée à aider mon fils à déménager.


Sur le même sujet, j’avais réalisé en 97 une illustration pour le roman de Guy Lavigne «Dans la Peau de Bernard», à la Courte Échelle.